jeudi 28 octobre 2010

1er JOUR : A LA DECOUVERTE DE LA RUE DE BAMAKO

Jeudi 28 octobre, après-midi

Cette journée commence par un toc toc toc en guise de réveil. Il est 8h quand Papus frappe à la porte de ma chambre. Il vient apparemment pour s'assurer que tout va bien pour moi...
"- Tu ne va pas être en retard au travail ?
- Non, j'ai prévenu mon chef qu'aujourd'hui j'arriverais plus tard." Papus est stagiaire chez un médecin libanais, il s'occupe de l'accueil des patients et améliore son anglais en traduisant le bambara des clients à son responsable.
Je ne pensais pas le voir ici ce matin et sa présence me fait plaisir. Je lui remets les quelques cadeaux que Vincent m'a chargé de lui offrir : un maillot d'ultimate freesbie de notre club de Grenoble et un petit album photo dépeignant le passage de mon ami ici. "- Sacré Toto!" dit-il en me décrivant les lieux et les moments de chaque prise de vue. Nous discutons une bonne demie-heure autour d'un café puis je le raccompagne à sa moto garée devant la maison. Je files à la douche et m'aperçois qu'il va falloir que j'oublie la bonne eau chaude d'une toilette matinale : un seul robinet permet au liquide de s'échapper des canalisations donc l'eau sort à la température que bon lui semble (au fil de la journée elle se réchauffe donc). Peu importe, il fait déjà chaud et quelques demis-frissons permettront un bon réveil!
Jo fait de même (après moi il en va de soi) et ensemble nous partons retirer de l'argent au supermarché Hazar libre service qui se trouve à une dizaine de minutes en taxi. Nous sortons de la maison pour ma première balade dans les rue de la capitale. Magnifique. Les couleurs me sautent au yeux, la terre des rues est rouge, quelque végétation me rappellent le vert de mon maillot favori et le ciel azur apporte la troisième dominante du tableau. Ici et là les hommes font le grain, nous croisons quelques femmes vêtues de l'habit local (riche en couleurs), et les enfants nous dévisagent dans un sentiment mêlé d'envie et de curiosité. Nous nous postons au bord de la route et attendons quelques minutes le passage d'un taxi. Je suis toujours ébahit par le spectacle qui s'offre à mes yeux : la circulation est dense. Motos -quasiment que des djakarta importées de Chine, moteur 80 cm cube 4 temps, boîte 4 vitesses -, voitures, charrettes et sotramas -fourgonnettes pleines à craquer d'humains, portes latérales ouvertes, certaines équipées d'une simple chaîne en guise de portière et évitant la chute (!), la plupart sont vertes et décorées par des autocollants du Che, de Drogba ou de personnalités locales- s'entremêlent provoquant un vacarme dans mes tympans et une odeur de pollution assez piquante dans mes narines. Nous arrêtons un taxi (de la même manière que nous l'aurions fait à Paris, New-York ou Pékin, ça c'est universel), Jo se charge du dialogue :
"- Nous allons à Badalabougou, au supermarché azar...
- D'accord, c'est 1500 francs (2 euros)...
- Non, c'est 1000 francs, j'habites ici et je sais que le prix malien est 750 francs.
- Aller c'est bon !"
Le chauffeur sourit et nous accueille dans son véhicule -encore une mercedes des années 90 et importée d'Europe-. Je monte à l'arrière. Jo indique au chauffeur -quazi pilote dans ces conditions- le chemin précis du trajet car ce dernier n'est apparemment pas du quartier et travaille probablement dans l'autre partie de la ville qui se situe de l'autre côté du fleuve. Moi, je profite de mon baptême véhiculé en admirant les bas-côtés de la voie: et BIM! Un atelier de menuiserie voisine un salon de coiffure, quelques chèvres se reposent sur les marches d'un bâtiment, les étalages d'un marchand de pneu côtoient une épicerie...bref, il y a de tout ! Et toujours le grain, les cargaisons chargées sur la tête...
Je retire mon argent et nous repartons à la quête d'un taxi jaune pour rentré à la maison. Cette fois je monte à l'avant. Sur le trajet, un policier nous arrête; j'ai du mal à comprendre s'il réclame les papiers du taximan ou les nôtres... Notre chauffeur n'a pas l'air tranquille et sort d'entre les 2 sièges un sac plastique contenant la requête de l'homme en bleu marine. "- Extincteur ? demande l'agent", ma récente connaissance ouvre le vide poche devant moi, l'objet demandé est là, tout est en règle, nous repartons.
A la maison, la copine de Jo nous ouvre la porte. Awa, notre femme de ménage prépare le repas. Petit point sur la présence de cette personne : présente dans chaque foyer, une jeune fille très souvent originaire de la brousse et qui ne parle pas français -c'est pourquoi contrainte à ce genre de travail- est chargée des tâches ménagères de la maison comme le nettoyage des sols, la cuisine, la vaisselle et la lessive une fois par semaine (le mercredi). Chez nous, elle arrive tous les matins vers 10h (sauf le dimanche) et débauche aux environs de 15h. Son salaire : 20 000 chez nous -à savoir que dans les familles maliennes leur rémunération est de 7500 francs (pour ces chiffres, enlever 2 zéros pour avoir l'équivalent en Francs français) qu'elles y possèdent une petite chambre et par conséquent y vivent 7 jours sur 7 et 24h sur 24. Pour moi, toubab fraichement débarqué du Nord, cette situation me dérange un peu mais Jo me rassure en me confiant que lui aussi ressentait ceci à son arrivée : "Dis toi que si elles ne faisaient pas ça elle seraient en train de mendier dans la rue. Cette activité est source d'emploi et elles font ça pour changer de vie, celle au village n'étant pas terrible." Bref, il me faut donc accepter que "c'est comme ça" et je dois digérer la chose.
Pour clore le chapitre sur les employés de la maison (appelé ici petit personnel), un gardien est employé dans chaque habitation. Son job : surveiller les lieux pendant la nuit. Dans mon nouveau chez moi, Omar passe son début de soirée avec ses quelques potes sur le palier puis rentre dans notre patio dormir sur le canapé (à ce sujet les filles lui avaient fourni un matelas, sans succès). Son job comporte aussi une partie commissions : quand nous avons besoin de quoi que ce soit, nous le lui demandons et il nous rapporte la commission (boissons, nourriture, mobicarte...). Il rentre chez lui à 8h du matin et ne travail pas le lundi. Son salaire : 30 000 Francs CFA. Je sais que ces paroles peuvent paraître choquantes mais là encore il me faut accepter. Je vois ainsi de mes propres yeux les écarts qui existent sur cette planète.
Aujourd'hui Awa a cuisiné des frites et du boeuf (la viande n'est pas cuite à la poêle mais bouillie), je savoure ce premier repas malien.
Nous voilà parti rendre visite à Ibrahim, un ami de Jo. Gaya, le chien de la maison nous accueille, Ibrahim et ses 2 copains sont là, assis autour de la table surement "made in China" (comme beaucoup de choses ici) sous le "store" végétal. Surprise, ils nous attendaient pour manger... et manger...à l'africaine ! Bien que je sors de table, je me dois d'accepter l'invitation en goûtant ce repas. La grande assiette commune et en terre cuite est accompagnée d'un pot métallique contenant de l'eau. On m'invite à me laver les mains le premier, pendant ce temps Ibrahim remplit le plat de riz et l'arrose d'une sauce à base de beurre de karité. J'observe les premières bouchées de mon hôte et de ses acolytes pour à mon tour utilisé ma main droite comme fourchette (oui oui c'est la première fois de ma vie). "Toro ci té !" (pas de problème) ! Je passe à l'acte, le plat est très bon et je me ressert plusieurs fois ! Je me rince ensuite les mains dans le conteneur métallique et remercie Ibrahim.
Nous passons l'après midi avec eux, de temps à autre les téléphones sonnent, des gens arrivent, puis repartent... Le contact est facile et je présente même Papus (que je connais depuis hier) à Ibrahim ! A ce sujet Papus m'explique qu' "au Mali, il y a un dicton qui dit : tu peux faire regarder des yeux entre eux mais jamais casser ce regard", en gros tu peux créer des relations mais tu ne peux pas les rompre. Une pluie nous envoie à l'intérieur, elle s'arrête 15 minutes plus tard et aura au moins eu le mérite de rafraichir le fond de l'air...
Vers 18h la nuit pointe son nez et lorsque nous retournons à 19h, il fait noir. Sur le chemin (5 minutes à pied) j'observe la rue s'apaiser et les lumières s'éclairer. Je demande à Omar un sandwich, boit son thé et termine ce premier jour tranquillement en tapotant sur un luxueux clavier...


Jo et moi.

Une orange.

Les voisins.

4 commentaires:

  1. apres une reunion top filles !!! (reunion captain chez ta soeur!)et une lecture attentive et enthousiaste de tes premiers pas au mali, nous repartons chez nous la tete pleine d'image de toi decouvrant la vie a bamako.
    pleins de gros bisous en attendant avec impatience la suite de tes aventures.
    nous ( amandine et carole)

    RépondreSupprimer
  2. Superbe récit Mathou, le don de la plume autant que celui de l'objectif...J'attends également la suite des aventures!!!

    RépondreSupprimer
  3. Quel bonheur de lire tes aventures..merci pour ce fabuleux paratge...Vivement la suite!Plein de bisous ;)

    RépondreSupprimer
  4. bisous bisous continue d'en profiter comme il se doit !

    RépondreSupprimer