mardi 2 novembre 2010

LE CHOC D'UNE REALITE.

Mardi 2 novembre.

La publication de ce post est le fruit d'une longue hésitation tant les choses que j'ai vu aujourd'hui m'ont perturbées. J'aurais bien évidemment l'occasion de revenir sur le sujet mais je pense que cette première impression mérite d'être immortalisée noir sur blanc. Ce matin, mes yeux ont transmis à tout mon être un sentiment que jamais je n'avais ressenti durant mes 26 années passées sur le sol de cette planète : celui de l'incompréhension la plus totale.
Hier soir, de retour de son voyage professionnel en Belgique, Issiaka Haidara, coordinateur de l'association Dounia secours à l'enfance et avec lequel j'échange depuis maintenant 3 mois, m'a téléphoner pour me confirmer le rendez-vous de ce matin. Je laissais la conversation à Papus, présent à la maison à ce moment là, afin que la situation du lieu lui soit décrite, Bamako étant pour lui ce que Saint-Etienne est pour moi. Résumé de la conversation : je dois y aller en taxi et demander au chauffeur qu'il me dépose devant l'ancienne ambassade des Etats-Unis (centre-ville). Ici un coup de fil à Issiaka devra être donné pour que celui-ci vienne à ma rencontre...
Me voilà sur le siège passager de la mercedes jaune. Une moumoute sur le tableau de bord et quelques gadgets importés du pays du soleil levant me font comprendre que mon hôte sait recevoir. Des K7 audio sont disposées un peu partout à portée de ses mains (vides-poches, entre-sièges...) et leurs nombreux passages dans le poste développent, le tout en pleine circulation, ma culture "klaxo-musicale" malienne. Le chemin me paraît étrange car nous sommes maintenant dans une zone administrative, je ne dis mot étant donné que je ne connais absolument rien de ce côté-ci du fleuve (je vis au sud de celui-ci, nous nous trouvons au nord). J'aperçois des militaires devant un Grand bâtiment et comprends que mon intuition était juste : mon Nagui malien s'est bien trompé, nous sommes devant l'actuelle l'ambassade des Etats-Unis. J'utilise mon joker coup de fil à un ami en appelant Issiaka que je passe directement au chauffeur.
Nous voici reparti en direction du centre-ville et si je devais décrire en une photo ma semaine passée en Afrique, ce serait celle formée par le cadre du pare-brise...
Bref, à ce moment là mon acolyte me sort son portable sur lequel il vient de lancer une vidéo d'un concert de l'artiste malien dont nous avons écouté quelques chansons se déroulant en France ! OK (vive l'Afrique!) ! J'admire les 2 spectacles (la photo derrière les vitres et le concert) 8 minutes durant, tantôt en levant les yeux, tantôt en les baissant... Mon voyage s'achève par les oeuvres de Christiano Ronaldo, Issiaka est là, fin des festivités.
Il m'accueille à la manière de tous ses frères maliens (je ressens à nouveau ce sentiment de retrouvailles), je le suis, monte les escaliers menant au premier étage de cet immeuble à la très vaste cage d'escalier. Me voilà présentement face à face avec la misère d'un monde qui je l'affirme, perd les pédales : une trentaine d'enfants sont là, sur le palier de Dounia, à même le carrelage. Ma plume ne me permet aucunement de décrire la scène tellement la puissance de cette réalité refroidit tout mon corps. Que dire à part qu'à quelques milliers de kilomètres d'ici, leurs frères et soeurs sont à cette heure-ci assis sur les bancs de l'école écoutant les palabres d'une maîtresse délivrant son savoir et instruisant ainsi les futurs (certes à 62 ans) et paisibles retraités de demain?... Certains jouent aux cartes, d'autres dorment et les quelques filles présentes s'occupent de leur nouveaux-nés. Issiaka m'invite à son bureau, mes futurs apprentis photographes viennent me saluer. Une file d'attente se constitue et chacun à leur tour ils viennent me taper dans la main. Lors de cette brève séance de présentation, je croise le regard de certains, d'autres effectuent le geste demandé en regardant leurs pieds nus. Nous discutons avec Issiaka et les 2 ou 3 éducateurs présents, sur la mise en oeuvre de la première partie de notre travail : la formation. Pour nouer un premier contact, je suis alors convié à passer un moment avec les enfants; sur ce palier de porte, ils m'apprennent leur jeu de cartes : le 151. On se relaie à la table du toubab pour quelques parties provoquant des rires qui me réchauffent le coeur. Profitant du lieu sûr, couvert et donc ombragé, on s'allonge, bras en guise d'oreiller puis s'endort constituant ainsi un véritable tapis humain. Le cul scotché à ma chaise et les yeux sur mes petits frères noirs, je me dit alors que la dignité invoquée dans notre déclaration universelle qui nous est si chère, celle des droits de l'homme, comporte apparemment de trop nombreuses exceptions... Je reste là, pas très à l'aise mais me force à me faire violence : ainsi on grandit . Un éducateur est à mes côtés, j'en profites pour lui poser quelques questions concernant ces graines d'humanité oubliées.
Issiaka me ramène chez moi avec sa moto pour m'éviter de payer le taxi, je lui offre un verre d'eau et lui prouve la véracité de mon projet en lui déballant les appareils photos jetables financés par Mme. Sarah Hazlegrove -http://www.hazlegrovephoto.com- (que je remercie au passage) et qui seront bientôt pour ces enfants, des mégaphones.
Il est 16h, il me salue puis disparaît sur sa moto; quant à moi, toujours sous le choc, je tourne en rond...


Partie de "151"


Devant les locaux de Dounia, secours à l'enfance.


Une jeune pensionnaire de Dounia et Issiaka.


"Quand les éléphants se battent, c'est l'herbe qui souffre"
Une situation inacceptable au 21ème siècle.

2 commentaires:

  1. Très belle description Math, dommage que la réalité soit aussi moche. Quelque part ces enfants tu vas les aider, à ta manière.

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  2. C'est marrant, en discutant avec la famille (Larringes) lors de nos retrouvailles, je me suis rendu compte que la plus part d'entre-nous aidons autrui... et depuis toujours...

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